[David Safier] Le Fabuleux Destin d'une vache qui ne voulait pas finir en steak haché

Mon avis : Lolle mène une vie de vache laitière relativement tranquille, dans une ferme tenue par un homme ayant de sérieux problèmes avec la boisson. Elle pourrait même nager dans le bonheur si seulement Champion, son taureau, ne la trompait pas avec Susi. Et peu de temps après avoir fait cette horrible découverte, elle entend dire que la ferme va être vendue, et que les animaux seront abattus pour finir en « escalopes », comme lui apprend Giacomo, un chat d’origine italienne doté d’un charmant accent qu’elle a sauvé d’une mort certaine. Afin de la remercier, Giacomo lui propose de les aider, elle et ses amies, en les emmenant dans un endroit paradisiaque pour les vaches, l’Inde, où elles sont considérées comme sacrées. Lolle décide donc de prendre la route avec P’tit Radis et Hilde – sans oublier Susi, qui sera aussi de la partie, au grand dam de notre vache. Parviendront-elles à bon port sans périr dans le voyage, malgré les mille et une embûches qui vont se dresser sur leur chemin, qu’elles soient matérielles, animales ou humaines ?

Lolle est le personnage principal de ce roman, mais elle en est aussi la narratrice. C’est à travers ses yeux que nous allons apprécier ses aventures et celles de son troupeau, mais aussi les péripéties de Giacomo. Lolle est une vache qui m’a beaucoup plu, et pour laquelle j’ai ressenti à de nombreuses reprises une réelle empathie, comme lorsqu’elle découvre que Champion l’a trompée, ou pendant les moments de doute qu’elle peut éprouver au cours de leur voyage (comme il est étrange pour moi d’écrire ceci…). Nous sommes pourtant les témoins d’une vraie cohésion entre ces vaches : elles forment une réelle famille. Il y a celle qui est un peu rêveuse et qui cache un secret, une autre qui a les pieds sur terre et le cœur sur la main, celle qui souhaite plus que tout se faire accepter malgré ses différences, et puis forcément, la briseuse de couple, celle que l’on va adorer détester, mais que l’on apprendra peut-être à apprécier au fil des pages. Sans oublier Champion, qui les rejoindra au cours de leur périple, ce qui créera bien évidemment quelques tensions entre Lolle et Susi, mais aussi entre les deux vaches et ce taureau. Et puis il y a Giacomo, ce chat à la répartie absolument délicieuse. Son accent et ses réflexions sont vraiment drôles, et ce personnage a une réelle prestance.

Oui, je parle bien de « personnages », car croyez-moi, au bout de quelques pages, vous en oublierez que les héros du Fabuleux Destin d’une vache qui ne voulait pas finir en steak haché sont des ruminants, et c’est sans doute là le coup de maître de David Safier. En effet, il nous propose une intrigue quelque peu loufoque, puisque nos laitières souhaitent rejoindre l’Inde en compagnie d’un chat qui a toujours le bon mot et la métaphore parfaite. Néanmoins, on se laisse porter par le récit et l’on est totalement emporté dans celui-ci, tant et si bien que le fait que les protagonistes mis en scène soient doués de parole, croient en Naïa – la déesse des vaches –, soient capables de réflexions relativement poussées ou encore empruntent des moyens de transport ne nous choque finalement pas le moins du monde. En débutant ce roman, je me demandais bien ce que j’allais découvrir et je partais avec quelques craintes, car a priori, lire les aventures d’une vache est plutôt réservé aux enfants. Que nenni ! J’ai adoré ce livre de la première à la dernière page, qui nous relate certes une aventure un peu loufoque, mais qui pointe aussi le doigt sur certains travers de l’espèce humaine, et qui montre que nous avons parfois des réactions bien discutables comparées à celles que peuvent avoir des animaux.

Une citation : « C’était dingue. Cet humain voulait être une vache, moi, je voulais être un poisson. Le comble aurait été que les poissons veuillent devenir des humains. Mais non, c’était trop absurde. Aucun animal ne pouvait être assez bête pour souhaiter cela. » (55 %)