Artie se rend régulièrement chez son père. Il souhaite entendre son histoire: Vladek est né en Pologne et a vécu la montée du nazisme jusqu’à passer dix mois à Auschwitz. Et s’il veut l’entendre, c’est parce qu’il prépare une bande-dessinée sur l’histoire de son père. Mais cette bande-dessinée, c’est aussi l’histoire d’un homme qui essaye de comprendre un père peu adapté à sa nouvelle vie, grincheux et avare, un homme dont la mère s’est suicidé pu après son retour des camps, un auteur qui s’interroge sur le bien-fondé de son livre.
Cette bande-dessinée est très connue pour le prix Pullitzer qu’elle remporte en 1992. Elle est célèbre aussi pour sa transposition animalière: les Juifs sont les souris (déchirantes lorsqu’elles hurlent dans les fours crématoires), les Nazis sont des chats qui ressemblent d’ailleurs à des petits tigres, les civils sont des cochons, les Américains de braves chiens. Les souris mettent des masques de cochons lorsqu’ils sortent. La force de la bande-dessinée réside d’abord dans cette confrontation entre la naïveté première de ces dessins et l’horreur froide évoquée, noire et blanche crayonnée dans des cases étriquées. Il y a aussi beaucoup à lire et beaucoup à endurer au cours de ce livre, c’est une lecture laborieuse à tous points de vue puisqu’on commence l’histoire avec l’enfance de Vladek et qu’on la finit avec son arrivée aux Etats-Unis, à savoir longtemps avant et après les camps proprement dits. Mais ce qui fait aussi sa force et qui l’empêche d’être un énième livre sur les camps, c’est qu'elle met en scène l’enquête du descendant pour comprendre ses origines, pour comprendre ce vieillard et pour transmettre, pour trouver sa place dans cette ascendance, pour savoir quel est son rôle dans cette mémoire à la fois personnelle et collective. L’auteur reprend d’ailleurs son propre rôle et enfile un masque de souris pour tenter de répondre aux journalistes qui lui demandent quel est son message en publiant cette bande-dessinée…
Un témoignage poignant sur le devoir de mémoire et le rôle que chacun peut et doit y tenir.