Je remonte le sujet, parce qu'il y a beaucoup à dire.
La première personne implique une identification immédiate au narrateur. Si le récit est au présent, on est plongé au coeur même du truc. Si le récit est au passé, on bascule dans la personne qui raconte ses souvenirs.
L'empathie est plus forte, elle s'accompagnera généralement d'une bonne dose d'introspection avec les pensées omniprésentes du narrateur. Omniprésentes, mais pas omniscientes ! On sera en effet limité à ce que sait le narrateur au moment où il raconte : si l'histoire est contée au passé, il pourra jeter un regard critique sur ses propres actions, ou commenter à la lumière de ce qu'il a appris ensuite.
La première personne semble la plus facile à manier quand on veut décrire les sentiments du personnage principal. Néanmoins, la difficulté pour un jeune auteur consiste à bien garder le ton, le vocabulaire, les opinions, d'une personne qui n'est pas soi. J'ai longtemps évité d'utiliser cette voix, justement à cause de cet écueil.
La troisième personne induit immédiatement une distanciation. Le narrateur n'est pas impliqué dans l'intrigue. Ce choix de narration permet en revanche plus de liberté au niveau du point de vue, puisqu'on peut utiliser plusieurs types de focalisation : externe, interne, omnisciente. Et alterner entre l'une et l'autre si on se sent suffisamment à l'aise.
Troisième personne omnisciente : le narrateur voit tout, entend tout, sait tout. Y compris ce que les personnages se cachent les uns aux autres.
Focalisation externe : le narrateur se comporte comme une caméra. Il voit ce qui se passe mais n'entre pas dans la tête des personnages.
Focalisation interne : la narration est effectuée du point de vue d'un des personnages, avec les mêmes limitations que si on était à la première personne (mais la possibilité de changer de focus, grâce à la troisième personne).
Moralité : en fonction de ce que l'on cherche à faire passer, on peut préférer l'un ou l'autre.
J'écris généralement (mais pas toujours) mes nouvelles à la première personne et au présent. La simplicité du fil narratif permet de se limiter sans problème aux pensées d'un seul protagoniste, et je commence à maîtriser suffisamment mon écriture pour adapter le ton au profil du narrateur.
À l'exception d'un vieux texte qui a rejoint le carton des innommables, j'écris toujours mes romans à la troisième personne.
Roman ou nouvelle, à la troisième personne, je suis une grande adepte de la focalisation interne. Quand j'ai besoin de dévoiler des informations que mon focus actuel ne connaît pas, je change de focus pour les révéler. Afin d'éviter le syndrome du "yoyo des points de vue", toutefois, un personnage qui prend le focus le garde toujours sur plusieurs pages avant de le faire passer.
Le cas le plus extrême est un roman de plus de 450000 signes (environ 300 pages de livre standard) qui, à l'exception des tout premiers paragraphes et de l'épilogue, comporte un seul focus : le personnage principal. J'aurais pu choisir la première personne, mais... cette fille n'est pas du genre à raconter sa vie.