Ce roman est surprenant. Il est bien plus « simple » qu’il n’y paraît, mais plus « angoissant » aussi. Entre l’écrit contemporain et la plume fantastique de l’auteur, ce dernier ne cherche pas de sensationnel, encore moins du glauque et du sanglant, mais plutôt de l’oppressant, le mal prend une forme tantôt sombre et fantomatique, tantôt onirique et entêtante. En fermant votre livre, vous n’écouterez plus les grattements lugubres de la même façon…
Karin est une jeune femme de 24 ans profondément stressée par ces deux dernières années de chômage cauchemardesques. Aussi quand Helen White, l’assistante du renommé et richissime occulte auteur Schöringen, cherche une remplaçante, Karin voit là une chance inespérée et croise les doigts pour obtenir le poste prête à tout accepter. Elle est embauchée et le rêve commence, une chambre au sein de l’appartement montmartrois de l’auteur, un salaire plus que raisonnable et une liberté de son temps de travail. Mais, peu à peu Karin est hantée par des cauchemars récurrents, un mystérieux mur de ténèbres, des grattements inquiétants, des squelettes amoncelés et une odeur de putréfaction insupportable. Bien décidée à comprendre l’origine de ses sombres songes, Karin écume les légendes urbaines parisiennes, plus particulièrement celle de l’homme noir, ombre inquiétante sans visage, qu’elle croit voir du coin de l’œil…
Ce roman est un peu « ovni » dans mes lectures et écrire un avis sur celui-ci n’est pas chose aisée car il y a beaucoup à dire. Alors par où commencer ?
Tout d’abord ce roman présente deux aspects, il y a un aspect très contemporain et un aspect fantastique qui se heurtent.
L’aspect contemporain voit la mise en scène de Karin, un personnage qui a vécu la descente aux enfers du chômage et qui voit en ce poste de secrétaire particulière, une chance de tout recommencer. On suit donc sa vie parisienne, son amitié avec son amie Josiane, sa relation particulière avec Julien, un représentant toujours sur la route et sa prise en main du poste, en quelque sorte sa renaissance. La relation avec l’auteur est succincte, celui – ci est toujours enfermé dans son inner sanctum, elle ne le croise pour ainsi dire jamais. Cet aspect est particulièrement développé dans la première partie du roman.
Et puis, il y a l’aspect onirique et surnaturel, des cauchemars récurrents, une légende urbaine au couteau menaçant, des choses qui creusent, qui grattent, des bruits déroutants, un mur de ténèbres, des disparitions inquiétantes, des meurtres, une touche fantastique qui assombrit le tout, une espèce d’angoisse s’installe alors, peu à peu une terreur aveugle monte crescendo dans le récit. Il y a donc un contraste évident entre la motivation et le bonheur innocents de Karin et les histoires glauques qui s’accumulent autour de cet immeuble haussmannien où vit l’auteur. Cet aspect prend un tournant radical et s’intensifie dans la seconde partie du roman.
Ensuite, Harald Schöringen est un mystère à lui tout seul, handicapé, passant ses journées enfermé dans son antre interdit à Karin, cet auteur allemand connu et reconnu, personnalité célèbre qui vit en ermite, toujours le nez sur son ordinateur, toujours dans des recherches plus sombres, l’homme est un écrivain reconnu pour ses écrits angoissants et horrifiques. Simple hasard ?
Par ailleurs, le roman est tout dans le ressenti, si vous cherchez du sensationnel, des scènes aux descriptions parlantes, passez votre chemin, ici l’auteur joue avec les sens de son lectorat, l’ouïe avec ses grattements obsédants « Scriiitch, scriiitch… », l’odorat avec ses odeurs de putréfaction, la vue avec ses apparitions fantomatiques, ombres que l’héroïne devine du coin de l’œil, le toucher glaciale de ce mur immense, noir cachant un monde horrible… L’imagination du lecteur est ainsi vivement plébiscitée. Ces pointes nourrissantes d’angoisse sont éparpillées dans le récit, pour entacher son aspect contemporain plus classique, plus moderne, plus réaliste. On hésite entre la folie des uns et des autres et l’occultisme, la magie noire ou autre tendance fantastique sombre et inquiétante.
Enfin, l’auteur a un style très agréable à lire, très fluide. Les chapitres ne sont pas trop long, le récit est dynamique même s’il traîne parfois en longueur dans sa première partie notamment. La seconde partie se dévore, on approche de la vérité et forcément, le lecteur ne peut que s’accrocher à son livre pour connaître le dénouement. L’auteur est vraiment un petit malin. Il faut aussi souligner la magnifique couverture de Philippe Jozelon, elle est une juste représentation de l’atmosphère brumeuse et ténébreuse du roman, elle rend aussi honneur à cette atmosphère intimiste avec ses falaises qui se dressent de part et d’autre de ce personnage inquiétant et que dire de cette montagne de crânes qui s’accumulent à ses pieds…
En bref, le roman a un caractère quelque peu oppressant, obsédant et déroutant, même si le dénouement est un « peu » attendu, il réserve son lot de surprises. Une lecture une nouvelle fois atypique que nous propose là les éditions du Riez et personnellement, j’adore ça !