Le narrateur de cette histoire a 20 ans. Il commence par le récit d'une tentative de suicide. Aucun romantisme, pas d'envolées lyriques face au vide de la falaise, juste une certitude absolue : c'est le seul moyen qu'il a de fuir une vie ennuyeuse, insensée. Vingt ans, l'âge de l'absolu. Se sentant mal-aimé par ses parents au détriment de jumeaux plus âgés beaux et célèbres, il a compris à onze ans que toute lutte était vaine. Il est raté, un loupé, une erreur, il traîne depuis sa morne existence comme un boulet.
Et va y mettre un terme.
Surgit un inconnu qui va lui tendre la main et lui proposer un marché : si dans 24h il ne l'a pas fait changer d'avis, son chauffeur le reconduira sur la falaise pour qu'il saute. Pas par bonté, ni altruisme, d'ailleurs le narrateur le sent de suite. Mais il a besoin, désespérément, que quelqu'un ait besoin de lui, alors il acceptera de devenir... la créature de Zeus, bien entendu.
Zeus est un artiste hyper tendance, célébrissime, richissime, qui veut être le père de l'oeuvre ultime : l'être humain vivant comme matériau de son génie.
Le narrateur se donne tout entier. Il va devenir objet modulable, malléable. Souffrir, renoncer à son individualité, son humanité, son libre arbitre. Un objet n'a le droit ni de parler, ni de penser, ni de désirer. Il n'existe que parce qu'il est vu et utilisé.
Je n'ai pu m'empêcher de penser aux personnes victimes de violences conjugales, aux enfants maltraités : la certitude de rien valoir hors du regard dominant, qui donne vie, protège, mais également torture. Souffrir est déjà ressentir, être utilisé remplace être aimé.
Lorsque j'étais une oeuvre d'art se lit très vite, parce qu'on veut le dénouement le plus tôt possible et sans respirer pour ne pas être contaminé par la cruauté. J'ai lu quelques retours très contradictoires sur ce roman. Certains adorent, d'autres détestent. Moi, il m'a beaucoup plu. Le style est simple, concis, brutal parfois. Le coté schématique et caricatural ne m'a pas ennuyé, je l'ai perçu comme un jeu et cela m'a fait penser à Amélie Nothomb avec ses personnages outrés affublés de noms originaux. J'ai beaucoup aimé deux personnages que le narrateur croise plus tard, un peintre et sa fille, qui seront la lumière dans sa vie et dans son esprit.
Je crois qu'il faut le voir comme une réflexion sans prétention sur la façon dont on peut prendre sa vie en main, se prendre soi-même en main, et affronter les conflits, les non dits. Mais c'est avant tout un conte de fées, avec un jeune naïf, un diable déguisé en dieu, une fée et un magicien, pas mal de nymphes déglinguées et de trolls décérébrés, avec des joies et de la souffrance, du sexe et de l'amour , la laideur et la beauté, de l'espoir ... La vie, quoi !