Ce livre figure dans la chick-lit : une première pour moi ! Mon œil très sélectif aurait ignoré la couverture, dans d'autres circonstances. Mais ,
encouragée par l'avis de Belle de nuit , je me suis proposée pour ce partenariat comme on part à l'aventure.
La perspective de lire un road-movie à la Thelma et Louise m'a motivé , je dois tout de même l'avouer. Mais il a fallu que je passe outre cette
couverture très...rose...Et il y a des étoiles sur les « i », je n'ai pas rêvé , hein ? Bon, cette fameuse couverture, une fois la lecture achevée, je dois dire qu'elle ne colle pas au roman : pas représentative des héroïnes et un peu trop légère à mon goût. Car, si le prétexte de l'histoire est léger, amatrices de romans à l'eau de rose sur l'amitié et l'amour s'abstenir:
derrière ce titre et cet emballage adolescents, c'est un roman plus profond qui nous attend. Enfants,Valérie et Adélaïde étaient voisines, et « meilleures amies pour toujours ».
Val avait une mère super cool, permissive, aventurière, et Addie grandissait dans un foyer uni et aimant.
Autre façon de voir :
- Spoiler:
Val vivait seule avec sa mère baba-cool, défoncée et feignante, usant de ses charmes pour obtenir des hommes ce qu'elle voulait. Le père d'Addie est revenu traumatisé de la guerre du Vietnam, sa mère est obèse, et son frère ne s'est jamais remis d'un accident de voiture arrivé pendant ses années de lycée. Question de point de vue...
Chacune envie secrètement ce qu'a l'autre : soit la stabilité , soit l'inattendu.
Les fillettes sont inséparables. Jusqu'au lycée, où la personnalité de Valérie en fait quelqu'un de « populaire ». Et Addie, complexée, se noiera dans de trop grands pulls et tombera dans l'hyperphagie.
- Spoiler:
Leur amitié résistera jusqu'au jour où Addie voudra dénoncer un viol dont Val a été victime. Val nie tout en bloc , et ridiculise publiquement Addie.
La dernière année de fac de celle-ci ressemblera à une suite interminable d'humiliations , d'injures, et elle grossira de plus en plus.
Les deux jeunes femmes se perdront définitivement de vue à la fin de cette année là .
Le roman débute quinze ans plus tard. Valérie est devenue présentatrice météo , une « people » . Addie vit seule dans la maison où elle a grandi, et gagne sa vie grâce à ses peintures pour cartes de vœux.Elle a beaucoup maigri, et a aussi transformé la vieille maison en nid douillet. Elle dit vivre « sans amis (et sans ennuis ? ) ».
C'est dans ce cocon sécurisant qu'elle s'est construit que son « amie de toujours » fait irruption pour lui avouer qu'elle vient de renverser en voiture un garçon de leur ancienne promo, et lui demander son aide : elle n'a qu'elle vers qui se tourner.
Dès le début du roman, l'humour sans concession m'a plu : Addie nous parle d'elle, de sa vie qu'elle passe au crible sans pitié.
Bien entendu, elle n'a pas une très haute opinion d'elle même, comme la plupart des femmes, mais elle est aussi fière de ce qu'elle a construit. Elle s'occupe de Jon, son frère, qui vit en foyer médicalisé. On suit aussi Jordan : policier, qui a divorcé après un long et pénible parcours d'infertilité avec sa femme : elle l'a quitté pour leur dentiste. Et Dan, ancien petit ami de Val : on a son point de vue de temps en temps aussi, et s'il apparaît rarement c'est peut-être le protagoniste qui change le plus.
On sent venir la catastrophe. "L 'amie de toujours" qui débarque, ça sent mauvais... J'avais envie de lui dire : "Addie, n'ouvre pas, Addie, fiche là dehors! Elle va mettre le désordre dans ta petite vie pleine de jolies choses tranquilles, elle va tout bousiller !" Bon, mon coté « chaque chose à sa place » détectait le danger sans doute, parce que je me sentais plus près d'être Addie que Val, niveau identification du personnage
Mais Addie décide qu'elle n'a rien à perdre, elle ne veut plus être seule, être ans Val.
Elle sait que Val va l'entraîner dans une aventure pas claire, dans laquelle sera autant l'otage que la complice. Mais elle fait son sac et enfile son manteau.
Les passages sur le calvaire qu'a vécu Addie au lycée a trouvé un écho tout frais dans une de mes dernières lectures,
Carrie. Et le refuge trompeur , l'étouffant réconfort de l'hyperphagie , est parfaitement raconté.
Ce roman m'a touché, mais pas dans le sens « fleur bleue » d'une romance. Il y a bien une histoire de coup de foudre, mais ce n'est pas l'élément central . Ce serait plutôt ce que l'on fait de nos vies, les chemins que l'on prend parfois sans s'en rendre compte, et les années qui passent comme un souffle. L'adolescente se retrouve dans un corps de femme, avec des responsabilités de femme, mais ne change pas au fond. Les souffrances affleurent malgré les couches de graisse ou de maquillage, malgré un confort matériel sécurisant. Le sujet de la solitude, est traité avec délicatesse et presque avec pudeur . Car autant Addie, que Val, que Dan et Jon, sont seuls. Coincés dans leurs vies. Et tout cela va exploser, les destins se mêlent et ils nous conduisent vers un joli dénouement , humain et réparateur.
Ce livre m'a plu. Inattendu, comme une boîte pleine de surprises, je me suis constamment étonnée de ce que je découvrais. Peut-être parce que, pleine de préjuger, je m'attendais à lire un « roman de fille », sucré et peut-être mièvre par moments. Il n'en est rien. Je l'ai lu d'une traite, parce que l'intrigue me tenait.
Merci à la maison d'édition et à Mort-Sûre pour ce partenariat qui m'a réjouit.