Préambule : Le dernier titre de Martial Victorain est le second roman de l’auteur que je lis. Il m’avait fait confiance en me demandant mon avis sur son roman « Fernand, un Arc en ciel sous la lune », un roman que l’on prend le temps de lire, qui apporte beaucoup d’espoir et qui réveille avec beaucoup d’empathie les consciences collectives. La pâte pleine de bienveillance, de bonté et d’espoir d’une humanité meilleure de l’auteur se retrouve à nouveau dans « L’homme en équilibre ». Un discours encore une fois humaniste pour un personnage écrivain qui croit probablement encore à la bonté de l’être humain et qui semble surtout aimer son environnement et les êtres vivants dans leur globalité. Un brin poète, quelque peu naïf mais surtout profondément humain, l’auteur a trouvé son style et son écriture est un baume pour les cœurs…
Simon est un homme d’affaires à succès : ambitieux, froid et intraitable. A force d’user de ses traits, il s’est construit un empire informatique qui l’a fait passer d’un simple immigrant polonais à un richissime homme francisé. Pourtant, un accident de la route lui coûtant la vue va profondément bouleverser la vie de cet homme à la réputation carnassière. La déchéance de l’être s’amorce, aucun espoir de revoir un jour et Simon se croit être un déchet. Jusqu’à ce que son ophtalmologue lui propose une opération de la dernière chance, une première dans cette spécialité médicale, une prouesse en cas de réussite, seulement cela a un prix, évidemment Simon accepte. Le jour où il retrouve la vue quelque chose ne va pas mais Simon se tait : son environnement familier, sa compagne, ses domestiques, sa demeure, il ne reconnaît rien, tout lui semble inconnu.
En profondeur, l’auteur utilise une simple histoire d’un homme ayant perdu la vue, racontant son désespoir face à cette tare et la lente descente aux enfers pour l’homme habitué à obtenir tout ce qu’il veut, habitué à être craint et respecté. Une opération chirurgicale plus tard, l’homme recouvre la vue. De là des questionnements apparaissent sur la vie dans sa globalité, la nature en particulier. Mais, aussi intimiste soit cette histoire sans véritable action, le personnage principal prend toute la dimension du roman, elle cache surtout une réflexion intelligente sur nos consciences collectives, sur les conséquences de nos actions, sur la démesure qu’engendre toujours plus d’argent, sur l’écologie du poumon de la Terre qui peu à peu s’asphyxie, sur les minorités territoriales aux cultures païennes respectant profondément Dame Nature, Gaïa ou autres termes, symboles de notre terre vierge de toutes influences néfastes humaines. C’est aussi une ouverture d’esprit qui, toujours aussi simple soit elle, laisse un goût de mysticisme, frôle le surnaturel, la notion d’âme, et de retour à la Terre prend ici un sens nouveau et apaisant. Quelque part, si ce que l’auteur nous révèle dans son dénouement était une réalité, on comprendrait mieux toutes ces maladies et ces dégénérescences du cerveau, que l’homme accumule ce dernier siècle au profit d’une société toujours plus technologique, cela prendrait tout son sens. A dire comme ça, le roman contient une richesse importante dans son contenu malgré une intrigue, à l’illusion, assez banale.
En surface, Simon est donc le héros que l’on suit à travers d’abord une épreuve difficile puisqu’il se retrouve du jour au lendemain aveugle. Il est intéressant de suivre son évolution face à ce handicap qui lui paraît insurmontable. Il en devient exécrable avec les autres et le personnage est loin d’être aussi attachant qu’on le voudrait. Il se révèle violent et égoïste, oubliant que dans sa douleur, les autres sont aussi impliqués. Puis, il y a le retour de la vue, l’absence de reconnaissance visuelle de Simon pour son entourage qu’il tait et cela dégénère sévèrement au cours du temps. Difficile d’en dire davantage sur ce phénomène sans expliquer la nature de l’opération, élément important du roman. Cependant, un autre Simon apparaît à partir de là, un Simon attachant, un Simon à la réflexion profonde, un Simon curieux de la simplicité de certaines choses, un Simon tendre et attentif, un Simon sacrément adoucit qui refuse de reprendre le chemin de la vie stressante de son entreprise. Cela ira loin, très loin même, jusqu’au point de non retour, Simon subit une transformation importante, incroyable et irréversible. Cette seconde partie est particulièrement passionnante, l’auteur a vraiment osé quelque chose qui pourrait se révéler trivial dans toute sa splendeur.
La plume pleine de poésie mais aussi d’innocence de l’auteur se lit à merveille, point de buté, une lecture fluide sur des paragraphes élégants ; un style reconnaissable pour Martial Victorain, probable amoureux des mots simples et efficaces. Cela reste aussi idéaliste, l’auteur serait-il un doux rêveur ? En tous cas, il ouvre des perspectives et des points de vue d’une certaine sagesse. Finalement, si l’humanité était composée davantage de personnes aux idéologies proches : ouverture d’esprit, amour de la terre et des être, empathie et tolérance des peuplades minoritaires… peut-être se porterait – elle mieux.
Petite parenthèse pour la couverture superbe qui reflète parfaitement le roman, simple et dérangeante à la fois !
En bref, un roman finement travaillé qui joue sur deux lignes de lecture, l’une simple et assez banale, l’autre plus disséminée réfléchie et intense. Un effet « double roman » qui accentue l’intelligence de sa rédaction, un très bon point pour l’auteur si cela était souhaité !
Je remercie chaleureusement Martial Victorain et Les éditions Paul & Mike pour l’envoi de cet ouvrage.