Si le premier opus ne présentait pas une enquête palpitante, il avait l’avantage de présenter des personnages psychologiquement bien dépeints et l’ensemble était sombre et prenant, on était clairement dans le thriller. Pour ce second opus, l’auteure n’a pas joué la carte de l’originalité et reprend un peu les ingrédients qui ont fait le succès du premier, toutefois, cela ne fonctionne pas aussi bien. Particulièrement sur la psychologie des personnages qui, a force d’être étirée, se brise, perdant tout intérêt, le personnage de Franck Bennet en tête en est le parfait exemple. A contrario, on a une véritable enquête policière (on ne connaît pas l’identité du meurtrier) avec un dénouement inattendu même si elle manque parfois d’action et de mouvement, un bon point malgré quelques (grosses) longueurs qui viennent faire traîner la lecture. Bref, un second tome en demi-teinte !
La dernière enquête de l’équipe Eden et Franck a laissé quelques traces psychologiques irréversibles avec des pertes difficiles à gérer. Ils se retrouvent donc à suivre une thérapie avec la psychologue judiciaire Imogen, particulièrement nécessaire à Franck Bennet qui a sombré dans l’alcoolisme et la dépression. De son côté, Eden est toujours aussi impassible et fait tout pour que Franck reprenne du service à ses côtés, elle souhaite d’autant plus le surveiller qu’il connaît à présent sa véritable nature. On les met sur une affaire où trois jeunes filles ont disparu et dont le seul point commun est leur passage dans une ferme glauque gérée par Jackie Rye soupçonné de viols et proxénétisme. Eden y est infiltrée en tant qu’Eadie, tandis que Franck, la surveille de loin aidé de Juno, un jeune génie de la technologie qui a pour mission de suivre les moindres mouvements et déplacements d’Eden. Franck est par ailleurs embauché par Hadès dans une affaire privée où le présent et le passé vont vite s’entremêler.
On suit donc plusieurs histoires et enquêtes dans ce roman. La première et la principale concerne la disparition des trois jeunes filles qui implique de s’introduire dans un camp de marginaux où la crasse et la bêtise cohabitent étroitement. Une véritable épreuve pour Eden, mais aussi une immersion dans un univers qui va venir ébranler et écorcher ce qu’elle est avant que la nature reprenne rapidement le dessus.
Ensuite, il y a l’enquête officieuse de Franck pour Hadès, qui vient en quelque sorte humaniser ce grand nom du banditisme, bien qu’il reste un personnage fort, efficace et intransigeant. La dernière scène où il intervient le rappelle indéniablement, Hadès est peut – être vieux mais loin d’être grabataire. Le personnage est vraiment charismatique, à fleur de peau et en même temps manipulateur et réfléchi, une combinaison assez effrayante. Certainement le personnage le plus intéressant de cette histoire.
Enfin, il y a l’histoire du passé, intercalée au milieu des deux autres et en lien étroit avec l’une d’entre elles. Elle évoque le passé de Hadès depuis son adolescence jusqu’à ses débuts dans le crime, on apprend donc comment il est devenu celui qu’il est aujourd’hui, c’est très intéressant et on est vite pris d’empathie pour le personnage.
Le personnage de Franck mène l’enquête, même s’il n’a semble t-il plus rien à perdre quitte à prendre des risques inconsidérés. Si prometteur dans le premier opus, il aurait pu prendre de l’épaisseur avec les épreuves subies à la fin de ce dernier. Seulement au lieu de ça, il a perdu toute saveur, toute crédibilité aussi, imbibé d’alcool et se traînant une gueule de bois tout au long du récit, il n’est que l’ombre de lui même, charme éventé, assumant difficilement son rôle de policier et surtout de coéquipier. On comprend sa détresse psychologique, il est presque détruit, mais à trop insister dessus, l’homme en a perdu tout son charisme. Très déçue par l’évolution donnée par ce personnage auquel je ne me suis absolument pas attachée.
Encore une fois, dans le tandem c’est Eden qui sort son épingle du jeu, même si là encore, on est dans un extrême inversement proportionnel à celui de Franck, aucune émotion, aucune réaction face à son deuil, glaciale et parfaite. Son expérience au sein de la ferme va un peu bousculer tout ça, une once d’humanité va venir effriter une froideur implacable, mais pas forcément pour très longtemps. On voit bien qu’elle tente de décoder les relations humaines et sociales, elle se pose beaucoup de questions, ce qui indique qu’elle n’est peut-être pas si « inhumaine » que ça. Affaire à suivre dans le prochain et dernier tome !
Autre chose, un peu trivial et sommaire, mais qui a fini par me faire lever haut les yeux au ciel, le mot « bite » employé à saturation, certes, dans cette histoire, il est question de viols, de proxénétisme, de relations sexuelles, etc… Bref entre travers et acte du plaisir, on est en plein dans le thème mais « les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures »… De même que certaines métaphores usées à maintes reprises.
En bref, un début de roman prometteur mais qui s’étire en longueurs, un changement de rythme régulier de la lecture avec le présent, le passé, les points de vue de Franck, d’Eden ou d’Hadès qui, au lieu de le dynamiser, peut aussi casser l’entrain du lecteur. Un choix d’évolution de certains personnages douteux ou trop extrême, conclusion un bilan mi-figue, mi-raisin. Par contre, la fin en cliffhanger vient redorer le blason de ce roman et donne très envie de lire la suite !
Je remercie les éditions Michel Lafon et plus particulièrement Camille pour cet envoi.