J'ai mis un peu de temps à rentrer dans l'histoire.Il m'a fallu appréhender ce monde "bizarre"et me familiariser avec le ton théâtral du roman.
Don Juan séduit à tout va, tandis que Sganarelle a la lourde tâche de tenir à jour la liste de ses conquêtes; le hic, c'est qu'il est impossible de relire ce qui est écrit ensuite.Des spadassins qui se meuvent comme des robots, leur colle en plus aux basques.Comme si ce n'était pas suffisant, tous les personnages ont des troubles mnésiques là-dedans, et vieillissent et rajeunissent à volonté; et nous, du coup, on ne peut s'appuyer sur rien de tangible.Sganarelle tentera à maintes reprises d'alerter son maitre sur l'étrangeté de la situation, mais celui-ci n'en aura cure.
C'est un univers aux contours flous, le temps et les distances sont incertains.On ne sait pas du tout ou on va, ça m'a déstabilisée au début, pour totalement m'éclater, une fois que je m'y suis accoutumée.
Vous passez à Versailles, le chateau est en chantier, vous y repassez quelques jours après, il est construit; vous traversez une forêt vous vous retrouvez dans un autre pays...bref, vous voyez ce que je veux dire.
On change d'environnement presqu'à chaque chapitre; si on adhère au récit, on se demande toujours à quelle sauce on va être mangé en termes de rebondissements loufoques, et quels sont les "V.I.P" que l'on va croiser.
Impossible d'anticiper sur une quelconque suite, on est totalement à la merci de l'auteur, le seul fil conducteur étant finalement la poursuite de l'Homme au Masque de Fer.Il m'a fallu attendre de rencontrer Descartes, pour que ma lanterne s'éclaire un peu c'est du délire , je vous dis.
Des personnages, je dirais que Don Juan est assez fidèle à l'idée que je m'en fais (honte à moi, je n'ai pas lu l'original) cynique, irrespectueux de toutes contraintes sociales, de la religion, ou des mythes en place d'ailleurs (il faut l'entendre déboulonner les mousquetaires) Deux objectifs: la traque du meurtrier, et... la bagatelle, d'ailleurs, je me suis poilée à plusieurs reprises devant le choix de "ses victimes".
Manon est son parfait pendant féminin.Sganarelle, au milieu de tout ça, même s'il bée d'admiration devant le pouvoir de séduction de son maitre, ne se voile pas la face sur ses travers même si c'est pour notre unique bénéfice, car le Don Juan étant coléreux il craint son courroux.
Dans ce livre Fabien Clavel mêle les styles brillamment.Ainsi, au début, j'ai eu l'impression d'être dans une pièce de théâtre grand-guignolesque avec choeurs, costumes et tout le tremblement, pour également faire une incursion dans une scène digne du Marquis de Sade(j'étais pliée) et, évoluer vers un style plus traditionnel de romans de cape et d'épée, mais avec des touches complètement rocambolesques (au hasard, l'évasion de Silling avec le chapiteau d'un lit baldaquin, mais oui, mais oui, ....)
Alors bien sûr, j'ai regretté de ne pas avoir lu toute la littérature inhérentes aux personnages croisés ici, pour pouvoir capter toutes les perles que recèle cette histoire, mais l'auteur dans son choix a eu l'intelligence de recourir à un panel suffisamment emblématique (Munchausen , Casanova, la Merteuil...) pour que cela nous parle à un moment ou à un autre.
J'ai eu le sourire pendant toute ma lecture, je me suis régalée à découvrir toutes les surprises que nous avait mijotées l'auteur.
Je ne suis pas près d'oublier ce voyage haut en couleurs avec des personnages légendaires, un véritable coup de coeur
Merci à Anne Sophie
de m'avoir prêté ce livre qui est en plus un peu difficile à trouver car apparemment plus édité