Année d'édition : 1965
Edition : J'ai Lu
Nombre de pages : 184
Public visé : Adulte
Quatrième de couverture : "Noël, Noël ! Dans les rues de Lyon, noires de monde, fouettées par la pluie, un vieil homme triste se laisse bousculer par la foule des fêtards. Il porte un pardessus noir, un chapeau de paysan,un gros paquet enrubanné. Obstiné,il cherche sa fille, la belle, l'aînée, "la grande".
Pourquoi Marie-Louise n'est-elle pas venue passer les fêtes avec ses parents? Pourquoi cette lettre sèche , qui n'explique rien ? Pourquoi, de fausse adresse en hôtel borgne, de "salon" très spécial en bar louche, les gens ricanent-ils à son seul nom?
Petit à petit, le père découvre une vérité bien différente de celle qu'il imaginait. Et son interminable voyage, loin de sa ferme jurassienne, se transforme en chemin de croix."
Ma lecture : Rien ne destinait ce livre à pousser les dizaines qui attendent dans ma PAL . Je suis tombée dessus par hasard, parce qu'il était au sommet d'une pile de livres donnés, je me suis dit "C'est Fernandel ?" et après "J'ai déjà lu un Clavel, moi ?". La quatrième de couverture m'a plu immédiatement, je l'ai ouvert pour ne le refermer qu'à la dernière ligne... Il fallait que j'aille au bout de ce voyage, aux cotés du père. C'est étrange, car je n'y ai absolument pas projeté l'image de Fernandel, bien que j'ai appris depuis qu'un film en a effectivement été tiré en 1966. Film que je vais tenter de me procurer au plus tôt d'ailleurs...
Mais je reviens au livre.
Les premières pages m'ont happé , j'ai été entraînée dans la maisonnette de cette famille, qui prépare Noël en attendant la visite de la fille aînée, "partie à la ville" faire carrière dans la coiffure. "Elle s'en est sortie, elle", de la ferme et des devoirs envers les bêtes et le fourrage, du quotidien routinier et salissant ,elle voulait sentir bon et porter des escarpins, quelque chose de "gratifiant" dans la vie. Ce quotidien des fermes qui ne remonte qu'à quelques dizaines d'années, Bernard Clavel en parle avec justesse, sans misérabilisme ni apologie . On peut encore croiser, dans le coin où je vis, dans quelques fermes isolées qui ne se sont pas encore transformées en "ravissants corps de fermes " retapés par des "étrangers", quelques pépés-mémés qui vivent comme ça, en bottes et blouse, les mains usées de leurs travaux mille fois répétés.
Dès les premières pages, on devine que ce n'est pas si simple, elle a aussi voulu fuir les siens, sa sœur "attardée" (vilain mot) et pleine d'admiration pour elle, sa mère aigrie par la vie qui la porte aux nues et son père dépassé, silencieux mais aimant : tant d'amour qui pouvait l'étouffer, qui la voulait près d'eux dans un bonheur simple.
Mais ce n'est pas la fille qui monte le chemin, c'est l'instituteur. Il est transi d'un amour pour Marie-Louise, et une sorte d'amitié tranquille le lie au père, grâce aux lectures qu'ils partagent. Ça m'a beaucoup plu, ce père de famille, ce dur paysan qui aime les livres et dépasse le cliché crasse de l'inculte besogneux. Merci Bernard Clavel.
Ce père qui n'est pas allé à Lyon depuis plus de 20 ans va prendre le train et faire ces 100 km infranchissables. Pour retrouver sa fille, la ramener. Il déchire le voile de la routine et tout prend une nouvelle densité autour de lui.Il fera des allers-retours dans cette ville froide, ce sera une longue nuit ,faite d'espoirs et de désespoirs tour à tour, de colère et d'acceptation, son paquet cadeau sous le bras, qui s'abîme petit à petit.
C'est un roman beau et simple, fort...Un coup de cœur, sans conteste.
Un passage qui m'a plu, choisit parmi une douzaine d'autres, et qui parle des relations entre le père et la mère de Marie-Louise :
[i]"Ils vivaient là, sans se quitter, attelés au même chargement de petites misères et de petites joies, à marcher du même pas depuis des années, à marcher du même pas depuis des années, et voilà qu'il s'apercevait aujourd’hui qu'il connaissait à peine sa femme. Voilà qu'il n'osait même plus embrasser. Lorsqu'on vit ainsi, on croit se connaître, mais c'est seulement valable pour l'habituel, c'est-à-dire la peine et toutes les petites joies qui font l'existence. Mais qu'un événement survienne qui vous jette brutalement en dehors de l'ornière, et voilà qu'on ne se retrouve plus. On se prend à regarder sa femme comme si on la rencontrait pour la première fois."
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