Je connais bien l'histoire d'Helen Keller, cette Américaine née au XIXe siècle qui devint sourde et aveugle avant ses deux ans. Plus jeune, j'avais lu son histoire puis, plus tard, son autobiographie. C'est une histoire vraie qui m'a marquée. Car la petite Helen aurait pu demeurer dans son univers obscur, ignorant, si Annie Sullivan n'était pas entrée dans sa vie. Elle-même malvoyante, Miss Sullivan fut engagée par les Keller dans l'espoir que, peut-être, cette ultime tentative pourrait percer le mur qui entoure Helen du fait de ses handicaps. Car sans vue et sans ouïe, comment l'éduquer, lui apprendre ce qu'est le monde ? La petite n'a même pas de notions de mots, ayant été coupée du monde très tôt. Elle vit donc en petite sauvageonne, surprotégée et gâtée par sa famille. Pourtant, contre toute attente, Annie Sullivan va réussir - à force d'insistance et de patience - à entrer en contact avec Helen. Mieux, une fois la barrière franchie, l'enfant s'avère vive et intelligente. Si bien qu'adulte, elle parviendra à intégrer la prestigieuse université d'Harvard et en ressortira diplômée, devenant ainsi la première handicapée diplômée.
Aussi, lorsque j'ai entendu parler de cette bande dessinée, n'ai-je pas hésité - d'autant plus qu'elle est louée par les critiques.
J'ai beau connaître par coeur ce destin extraordinaire, il me passionne toujours. La bande dessinée de Joseph Lambert se concentre surtout sur la vie d'Annie Sullivan, moins connue que celle de son élève, et sur cet instant fort, cet instant clé où Helen parvient enfin à sortir de sa prison de silence et d'obscurité.
Le dessin se partage en deux styles : coloré et précis lorsque l'on est du point de vue extérieur, sombres, avec simplement une silhouette solitaire et floue pour exprimer la perception du monde d'Helen. Ce choix de représentation du point de vue de la petite fille est superbe : il rend d'autant plus fort, d'autant plus poignant le moment où l'enfant apprend à nommer ce qui l'entoure et où son monde si noir, si effrayant, se remplit d'objets familiers désormais identifiés par un nom.
Quant au destin d'Annie Sullivan, il serre le coeur. Orpheline, élevée dans des hospices insalubres, souffrant d'une mauvaise vue, son petit frère décédant très jeune, elle n'a pas eu une vie facile avant d'arriver à un institut pour aveugles où le directeur va la prendre sous son aile et l'aider à dépasser ces épreuves passées.
La BD, que l'on connaisse ou non l'histoire de ces deux femmes, est un véritable récit poignant, qui ne peut que toucher et émouvoir. C'est un récit plein d'humanité, qui témoigne aussi de la condition des handicapés à l'époque.
Une BD superbe, dure par moments, mais si positive en même temps quand on voit les progrès fulgurants d'Helen après ce fameux moment où elle comprit le sens des mots !