Année d'édition : 2009
Edition : Actes Sud
Nombre de pages : 342
Public visé : Adulte
Quatrième de couverture : "L’île où se déroule cette histoire est depuis toujours soumise à un étrange phénomène : les choses et les êtres semblent promis à une sorte d'effacement diaboliquement orchestré. Quand un matin les oiseaux disparaissent à jamais, la jeune narratrice ne s'épanche pas sur cet évènement dramatique, le souvenir du chant d 'un oiseau s'est évanoui tout comme celui de l'émotion que provoquaient en elle la beauté d'une fleur, la délicatesse d'un parfum, la mort d'un être cher. Après les animaux, les roses, les photographies, les calendriers et les livres, les humains semblent touchés : une partie de leur corps va les abandonner.
En ces lieux demeurent pourtant de singuliers personnages. Habités de souvenirs, en proie à la nostalgie, ces êtres sont en danger. Traqués par les chasseurs de mémoires, ils font l'objet de rafles terrifiantes...
Un magnifique roman, angoissant, kafkaïen. Une subtile métaphore des régimes totalitaires, à travers laquelle Yoko Ogawa explore les ravages de la peur et ceux de l'insidieux phénomène d'effacement des images, des souvenirs, qui peut conduire à accepter de pire."
Ma lecture :J'ai découvert Yoko Ogawa par hasard, il y a une quinzaine d'années, avec un titre qui m'a arrêté :
Le réfectoire un soir et une piscine sous la pluie. Et j'ai eu un coup de foudre littéraire. Premier auteur japonais que je lisais, son style incomparable, inclassable, la beauté de ses mots à la fois si simples mais si forts. Elle m'a amené à lire Mishima, et Kawabata , ainsi que d'autres auteurs japonais contemporains moins connus que les deux maîtres.
Tout d'abord, je voudrai souligner à quel point la couverture me plaît. Elle va très bien au roman.
En ce qui concerne l'histoire, la quatrième de couverture est fidèle au contenu, d'ailleurs peut-être un peu trop explicite : effectivement, une partie de corps "abandonnera" la narratrice, mais ce n'est qu'à la fin du roman que cela se produit.
Quand une chose "disparaît", sur l'île, elle ne se volatilise pas par magie : les gens se lèvent avec la sensation d'un nouveau vide, d'une "cavité" sur l'île. Et quand ils comprennent ce qui a "disparu" pendant leur sommeil, ils doivent se débarrasser à tout prix de l'objet, par n'importe quel moyen : on les jette dans la mer, on les brûle, on les dissout dans des produits chimiques. Il faut le faire vite, sous la surveillance de la police secrète. Les choses sont toujours là, mais comme mortes, elles n'ont plus d'utilité, les gens ne savent plus quoi en faire.
Sa route croisera celle d'une famille de résistants, traqués. Elle cachera Monsieur R, qui, lui, semble se souvenir de tout ce qui a disparu, et qui tente vainement de raviver sa mémoire.
La narratrice est écrivain. Un jour, les livres disparaissent: il faut brûler la bibliothèque... Jusqu'au sens des mots écrits, jusqu'à la signification des lettres : la narratrice oublie.
Elle accepte cela, naturellement : pourquoi lutter contre ce qui est inéluctable ?
"Peut-être qu'il ne s'agit pas d'un changement aussi important que vous le pensez. En courbant un peu le dos à chaque nouvelle cavité,sans se rebeller, on fait avec ce qui reste du monde. Exactement depuis toujours, n'est-ce pas". L'acceptation d'évènements de plus en plus importants, jusqu'à l'acceptation de sa propre disparition. Ce roman est terrifiant. Je l'ai refermé avec une angoisse terrible, la conscience de ma mortalité à vif, et de l'insignifiance de mon souffle, de mes actes. C'est un roman magnifique ,d'une grande pureté, un poème beau et triste, comme un chat funèbre.