Ce roman est un pur petit roman contemporain, c'est à dire qu'il n'y a pas vraiment d'intrigue et qu'il offre plutôt une tranche de vie. Celle d'un narrateur d'un genre très particulier. Comme le montre la couverture, il a une fâcheuse tendance à jouer l'autruche... mais sera bien contraint, à un moment ou un autre, de sortir la tête de son trou. Reste à savoir de quelle façon...
Je n'ai pas besoin de beaucoup m'étendre sur ce retour de lecture car la quatrième de couverture est bien conçue (j'applaudis le travail de l'éditeur à tous les niveaux, car côté marketing, j'ai eu la sensation que tout était juste et parfaitement adapté au roman).
"La tête de l'emploi", c'est donc avant tout une tranche de vie, la dégringolade d'un quiquagénaire qui n'aspire qu'à poursuivre une petite vie tranquille et sans surprise quand autour de lui, tout évolue, le pousse, le bouscule. Il se raccroche à ses propres valeurs, tombe de haut en découvrant qu'elles ne sont pas partagées par ses plus proches... A commencer par son épouse, qui découvre avec le départ de leur fille qu'ils n'ont plus rien à se dire, quand lui s'accomode de ce qu'il pense être des silences complices.
La façon plus ou moins objective dont il décortique ses ennuis est pleine d'humour, même quand il sombre en pleine déprime. L'auteur parvient ainsi à livrer un texte léger et tragi-comique sans céder au pathos, alors qu'il n'aurait pas fallu grand-chose pour cela. Il s'en sort à merveille avec cet exercice d'équilibriste.
La relation entre Bernard et ses parents a sans aucun doute livré les passages les plus affligeants et cocasses à la fois du roman, car ils permettent de comprendre comment le narrateur s'est retrouvé amputé émotionnellement, incapable d'exprimer ce qu'il ressent, dès le plus jeune âge.
Cela explique aussi la solitude qui est la sienne, car il est incapable de tisser des relations autres que superficielles (le passage sur les "amitiés de confort" m'a marquée).
Plutôt passif car il n'est pas du genre à vouloir déranger, spectateur de sa propre dégringolade, je me suis surprise à sourire souvent face aux réactions de Bernard, ses décisions prises à la va-vite ou parce qu'il se retrouve poussé dans ses retranchements. Dans le contexte, la relation avec sa fille est particulièrement touchante.
En résumé, c'est un bon petit roman contemporain qui parle intelligemment d'un phénomène de société qui fait beaucoup de dégats, sans céder à la facilité, grâce à un style plein d'humour désabusé, tout en finesse. J'ai eu envie de secouer Bernard, à plusieurs reprises, mais plutôt pour son bien car il est terriblement attachant, avec son côté bernique qui veut absolument retrouver son rocher et rester accrochée dessus.